PRÉSENTATION
Les deux études ici rassemblées ont des économies différentes. J’ai essayé d’aborder Dreyer sous l’angle de l’adaptation, ou pour être plus précis : la façon tout à fait singulière et spécifique qu’il a, partant de trois pièces de théâtre, d’en construire la substance de trois films,
Jour de colère, Ordet, Gertrud. Si le principe en est connu – Dreyer lui-même n’a pas manqué de le désigner –, une analyse comparative met, à chaque fois, clairement en évidence ce qui fait la particularité et la beauté de ce cinéma-là. J’ai appelé cette première étude : « Le feu sous l’épure », marquant l’extraordinaire force que tire Dreyer du principe de condensation à l’œuvre dans ses adaptations.
Devant Bergman, le problème est différent. Tant par l’ampleur de l’œuvre que par la masse des études qui l'environnent. La lecture que j’engage ici cherche à approcher cette manière particulière d’inscrire l’autre, l’autre en soi, tout autant que le en soi-l’autre. Ce que l’on peut désigner, d’un trait, par le fameux regard-désir de Monika-Harriet Andersson dans
Un Été avec Monika ; regard qui prend toute sa force à être confronté à ce regard-au-secours de la même Harriet dans
Cris et chuchotements autant qu’à ce regard-appel-à-l’aveu-confidence de Marianne-Liv Ullmann dans
Sarabande. Gestes, postures, masques et nudités, démons intimes et de l’intime, monstres qui (nous) ingèrent, dits et silences, mots et dédits qui, déployés sur l’œuvre entier, instruisent la vérité des personnages – autant que de leurs spectateurs –, en cette invention sans fin de l’autre (absent) qu’est le cinéma bergmanien.
Force et beauté d'un cinéma, celui de Dreyer comme de Bergman, qui donne à voir et à savoir ce qu'être humain veut dire.
J.-M. T.