PRÉSENTATION
Hercules pictor, Ulixes pictor, Orion pictor… Portraits de Valerio Adami en Hercule, en Ulysse, en Orion… Portraits de Valerio Adami en Grec, en Latin (en Latin plus qu’en Grec). Et qui, en bon Latin, se serait fait le chantre des saisons, le poète des travaux et des heures.
Non moins superstitieux que les Anciens. Et non moins, par exemple, que ne l’était Ésope, auquel il consacre un tableau en 1979, quand Ésope pelait une pomme et qu’en une malicieuse métaphore du destin, c’est-à-dire de l’idéal de perpétuité qu’avec ses volutes, ses enroulements, qu’à travers le développement spiralé, et par cela infini, de ses motifs, le dessin, chez Adami, semble lui-même poursuivre de son côté, il faisait en sorte que le ruban de pelure, tout au long de l’opération, ne connût aucune interruption.
Antiquisant (antiquaire) venu semer le désordre sur la grande scène de l’Histoire, que traverse, dans ses tableaux, tout un cortège de divinités champêtres, de faunes, de satyres, de centaures, de chèvre-pieds ; et où, à tous les noms illustres de la mythologie, il est offert la chance d’un come-back.
Zoolâtre. Grand amateur de chiens, de chats, de chèvres. Avec, toutefois, une partialité déclarée pour les poissons et les oiseaux. Charmeur de serpents. Chasseur de papillons. Prince des mouches. Roi pêcheur. Montreur de singes. Sous la houppelande de Thorvaldsen, aimant à paître ses ouailles. Fort curieux, par ailleurs, des chevaux et des chameaux, des bouquetins, des cochons, des éléphants et des rats. Jamais las des gambades de l’écureuil d’Engadine ou de Washington Square. Pressé de tendresse et de compassion par les lapins dont il raffole (en peinture s’entend).
Polythéiste. Comme tel, sacrifiant aux idoles. Et ce sont les poètes (les poètes comme de juste). Ce sont les écrivains, la transcendance de la littérature ayant pour ce qui est d’Adami remplacé de longue date la transcendance de Dieu. Faut-il vraiment qu’on aille chercher autre part les raisons de ces portraits dont le rappel rituel dans les biographies que les catalogues d’exposition lui consacrent (Nel 1971, dipinge il ritratto di James Joyce… Nel 1973, dipinge S. Freud in viaggio verso Londra… Nel 1975, dipinge il ritratto di Walter Benjamin… Nel 1986, disegna Gottfried Keller, ritratto come pastore… Nel 1990, dipinge il ritratto di Giacomo Leopardi… Nel 1992, dipinge il ritratto di André Gide… Nel 2000, dipinge il ritratto di Hermann Hesse…) ne nous paraît rien de moins, à y bien regarder, que la transposition, à l’échelle d’une vie, du tableau des fêtes de l’année liturgique dans le propre des saints ?
Ce ne sont pourtant, dit-il, faussement innocent, que des « ritratti letterari ». Des « portraits littéraires »…
Mais c’est ce « littéraires », précisément, qui pose problème. Pourquoi pas d’« hommes de lettres » ? Toute la question est là.
La question du portrait dans la peinture d’Adami, certes. Mais, à travers celle-ci, – fût-ce seulement en raison des efforts qu’en dehors des portraits, à chaque tableau nouveau mobilise, semble-t-il, une même ambition de combler le fossé qui sépare le monde des livres du monde des images –, la question au surplus de la place et du statut de sa peinture dans l’histoire de l’art.
Ph. B.
Ci-contre, de haut en bas, "Portraits littéraires" de Sigmund Freud, Antonio Tabucchi, Pascal Quignard.