PRÉSENTATION
Libre parole rassemble trois essais de styles et de circonstances différents : la Conférence Hrant Dink sur la démocratie et la liberté d’expression par temps de violence, donnée en public à Istanbul en janvier 2018 ; les Thèses élaborées en 2015 sur « Liberté d’expression et blasphème », pour intervenir dans la discussion qu’ont relancée les assassinats par les membres de Daech de journalistes de Charlie Hebdo associés à la publication des « caricatures de Mahomet » ; enfin le séminaire donné en 2013 et rédigé l’année suivante sur les formes de la parrêsia selon Michel Foucault, où se trouve déployée à partir de l’exemple grec sa conception du courage de la vérité.
Leur objectif commun est de problématiser les conditions et la fonction de la liberté d’expression en tant que droit aux droits, plus fondamental que jamais dans une période de régression des formes démocratiques, facilitée par les effets désagrégateurs de la mondialisation capitaliste, et surdéterminée par les effets de terreur et de contre-terreur que suscite une situation de guerre endémique à laquelle aucune région du monde n’échappe entièrement désormais. Il est aussi de montrer que, si la liberté d’expression institutionnellement garantie, et la libre parole qui en forme la contrepartie subjective, constituent une « propriété » inaliénable des individus et des groupes dont l’autonomie est (théoriquement) reconnue en démocratie, il faut s’élever à la conception d’un bien public de la communication si l’on veut en généraliser l’exercice, en prévenir les usages discriminatoires, et lui conférer par là même toute sa normativité politique.